Incroyable histoire que celle de la Lancia Stratos d’Erik Comas «matching numbers» qui vient d’offrir avec le Team Andrea Chiavenuto son septième titre international à la reine des rallyes, après les victoires aux championnats du monde 74, 75, 76 et aux championnats Européens 76, 77, 78.
Si les trois premiers titres mondiaux furent gérés par le Reparto Corse Lancia, les principales victoires qui suivront seront l’œuvre de Claudio Maglioli à Biella.
Il faut préciser que Maglioli était le pilote d’essais Lancia et il fut le tout premier à avoir essayer la Lancia Stratos. Avant l’interruption du programme officiel Lancia il a pris à son compte la préparation des Stratos pour le plus grand bonheur de clients privés et semi officiels comme Chardonnet alors importateur Lancia pour la France. Les Stratos du préparateur Italien ont obtenu plus de 100 victoires, deux titres européens avec Darniche, deux titres italiens avec Tony Fassina et Adartico Vudafieri, deux titres espagnols avec Jorge de Bragation et enfin deux titres grecques avec Siroco, excusez du peu!
Ce sont bien les Stratos Maglioli qui ont écrasé la concurrence, parfois devant les voitures officielles, totalisant le plus grand nombre de victoires pour ce modèle, et quarante ans plus tard c’est encore une ex Maglioli qui offre à la Stratos son septième titre international en rallye…
Finie d’assemblée le 23 novembre 1974, AR0001826 fut préparée groupe 4 par MFS Maglioli et vendue à Giorgio Prestini, le jeune entrepreneur de Brescia propriétaire des jantes EtaBeta. En 1980 elle fait ses premiers pas en compétition à une période ou la Stratos n’a plus de secrets pour les meilleurs. L’année suivante il cède la voiture à Ulisse Carini qui disputera les deux saisons suivantes et s’imposera au rallye dei due Golfi 1982:
3° Rally dei Due Golfi - Trofeo Piano di Sorrento
Carini - Bassi (Lancia Stratos gr 4)
Colombo - Prisco (Porsche 911 gr B)
Cocozza - Farmakakis (Talbot Lotus gr B)
Ulisse Carini conserve sa Stratos jusqu’en 1986 avant qu’elle passe dans les mains de plusieurs propriétaires Italiens pour ensuite aller en France ou Jean Paul Sylvain l’acquiert en 1989 et pour finalement l’échanger contre la Ferrari Daytona de son ami Bernard Rodrigues l’année suivante, soit en 1990. Ce dernier la conservera près de 20 ans avant qu’un autre Français et ex pilote de Formule Un, Erik Comas, y jette son dévolu.
Le pilote décide de rendre a Cesare ce qui est à Cesare, c’est-à-dire de refaire courir celle qui fut imaginée pour les rallyes par Cesare Fiorio. Une rencontre sera décisive, celle de Comas avec Aldo Magada CEO de Zenith Watches du groupe LVMH. L’horloger Suisse vient à peine décider de communiquer avec les «classic cars» et Comas sait que Zenith Watches détient le nom STRATOS dans la classe 14 de l’organisation mondiale de la propriété intellectuelle. L’expertise du Français séduit Magada mais Comas au-delà d’accepter d’être consultant pour Zenith Watches propose son programme sportif des trois années suivantes avec la Stratos. Aldo Magada dont les origines Italiennes ne peuvent être niées donne trois objectifs au français ; remporter le championnat Italien dès 2015, organiser une manifestation historique en 2016 pour Zenith (qui deviendra le World Stratos Meeting) et remporter le championnat d’Europe 2017.
Les embuches n’ont pas manqué sur le parcours du français face à des voitures concurrentes plus jeunes et plus puissantes mais on peut dire aujourd’hui qu’il a mené sa mission avec une réussite totale; 21 courses pour 15 podiums dont 7 victoires, un titre italien en 2015, la victoire à la Targa Florio en 2016 et un titre européen en 2017. Le dernier objectif était le plus ambitieux car depuis deux ans les compétitions internationales historiques sont ouvertes aux voitures de rallye jusqu’en 1989, comprenant donc les Lancia 037 groupe B, les Lancia Delta groupe A, les Porsche 911 SCRS groupe B, les Ford Sierra 4x4 groupe A, les Subaru Legacy 4x4 groupe A, les BMW M3 groupe A et les Renault 5 Turbo.
Une autre rencontre fut elle aussi décisive, celle d’ Erik Comas avec Andrea dirigeant de Chiavenuto Prototipi, préparateur à Biella de véhicules pour les courses sur glace. «Il est le premier depuis six ans que je cours en Stratos qui n’affiche aucune prétention, il n’avait jamais touché une Stratos auparavant, et pourtant il est le premier à avoir su redonner la fiabilité et les performances d’antan à la belle Italienne. J’ai longtemps persisté à confier la préparation de ma voiture à des gens expérimentés mais comme souvent, davantage que le CV c’est bien le talent qui compte et Andrea n’en manque pas. Il a l’intuition et l’intelligence mécanique qui lui ont permis de résoudre les uns après les autres les soucis techniques naissants avant même qu’ils ne créent un problème en course. Les rallyes se gagnent avec une préparation parfaite à l’atelier car les temps d’assistance sont très courts en course, il est le seul à l’avoir compris et agit en conséquence» déclarait Erik Comas.
Quarante ans après, Claudio Maglioli serait certainement très fier de voir une de ces Stratos s’imposer encore sur le toit de l’Europe et cette fois au nez et à la barbe de voitures bien plus récentes. Chose rare et exceptionnelle, AR0001826 n’a couru qu’aux mains de ses trois différents propriétaires, Prestini, Carini et Comas, et au contraire des voitures des Team disposant de plusieurs moteurs, elle a encore son moteur d’origine à carburateurs et c’est une Lancia Stratos matching numbers qui a dominé ses concurrentes Delta et Porsche, elles entièrement reconstruites récemment! Seuls les amortisseurs et les ressorts sont différents de ceux originaux et le capot arrière désormais de version initiale pour les besoins de période (71-76) du règlement FIA.
Comme en 1977 avec Bernard Darniche / Alain Mahé c’est de nouveau un équipage français Erik Comas/Yannick Roche qui remporte le rallye d’Elba et le championnat d’Europe sur une Stratos préparée à Biella, cette fois par Andrea Chiavenuto, décidément bien la capitale mondiale de la Stratos.
La reine des rallyes est toujours la reine.